Rupture de la coiffe des rotateurs
La rupture de la coiffe des rotateurs est une maladie de l’épaule résultant de l’usure et parfois d’un traumatisme.
Au niveau de l’épaule, plusieurs tendons (prolongement de muscles en provenance de l’omoplate) sont fixés sur l’humérus en entourant complètement sa tête. Ces différents tendons (subscapulaire, supra-épineux, infra-épineux, petit rond) sont jointifs et continus pour former une véritable coiffe tendineuse. Ils servent à stabiliser l’épaule en plaquant la tête de l’humérus contre l’omoplate et permettent l’élévation et la rotation du bras. Ils forment ainsi ce qu’on appelle “la coiffe des rotateurs”.
Au dessus de cette coiffe se trouve une partie de l’omoplate qui peut avoir une morphologie variable : c’est l’acromion. Ces deux structures sont séparées par des tissus de glissement qui forment la “bourse sous acromiale”.
Les tendons de la coiffe des rotateurs peuvent parfois être « irrités » car ils frottent de façon répétée sous l’acromion (cf “conflit sous acromial”). Comme une chaussette qui s’use par les frottements dans la chaussure, les tendons de la coiffe des rotateurs peuvent s’user, s’affiner, puis se rompre.
Il est également désormais bien démontré qu’en plus de ce phénomène de frottement il existe une dégénérescence progressive naturelle des tendons au niveau de leurs insertions sur l’os. Ce phénomène lié au vieillissement est aggravé par des facteurs de risques cardio-vasculaires et notamment de façon très importante par le tabagisme. Les tendons perdent leur élasticité et se “détachent” progressivement de l’os.
On estime ainsi qu’environ un quart de la population de plus de 50 ans, et environ la moitié des plus de 70 ans présentent une rupture de la coiffe des rotateurs.
Schéma rupture rétractée (tendon supra épineux)
Rupture rétractée du supra-épineux – Dr Milin, Grenoble
Un traumatisme de l’épaule, une chute peuvent également déchirer un tendon fragile chez un patient jeune ou aggraver une rupture qui existait déjà.
La rupture peut s’étendre à un ou plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs. Elle peut concerner tout ou partie du tendon et être de taille et d’aspect différents.
La rupture ne peut en aucun cas cicatriser seule et va s’agrandir progressivement. Le muscle correspondant au tendon rompu va alors dégénérer en graisse de façon irréversible et s’amincir jusqu’à devenir inefficace. A terme, une chirurgie pour ré-insertion du tendon à l’os ne sera plus possible car le trou sera trop grand, et serait de toute façon inutile puisque le muscle correspondant a perdu sa vitalité. Il en résulte un déséquilibre majeur de l’épaule qui va s’user de façon accélérée et conduire à l’arthrose qui pourra nécessiter une prothèse de l’épaule.
Les symptômes principaux de la rupture de la coiffe des rotateurs sont la douleur de l’épaule qui peut irradier vers l’avant du bras, la diminution des mobilités de l’épaule ainsi qu’une perte de force et d’endurance. Leur association est cependant extrêmement variable et le tableau clinique peut être très polymorphe. Certaines épaules restent par exemple assez mobiles mais très douloureuses, d’autres perdent leur fonction mais avec peu de douleurs…
Des examens d’imagerie sont indispensables :
- des radiographies standard qui évaluent notamment la présence d’arthrose
- ET une imagerie en coupe (IRM ou Arthroscanner) qui permet au chirurgien d’analyser la rupture et sa réparabilité (taille, localisation, qualité des muscles..)
Toutes les ruptures ne justifient pas une chirurgie : petite rupture bien tolérée chez un patient âgé, rupture trop importante jugée irréparable, patient trop fragile etc… L’âge n’est plus en soit une contre-indication isolée à la chirurgie puisque des études récentes mettent en évidence l’efficacité de la chirurgie arthroscopique dans les ruptures de la coiffe des rotateurs au delà de 70 ans et même après 75 ans, si l’indication opératoire est bien portée.
Aucun traitement médical ne permet la cicatrisation d’une rupture de la coiffe des rotateurs. Un traitement médicamenteux (antalgiques, anti inflammatoires) et des infiltrations peuvent cependant permettre d’améliorer la qualité de vie en diminuant la douleur si la chirurgie n’est pas justifiée.
La rééducation est également très importante. Elle peut compléter le traitement médical en améliorant les mobilités et en assouplissant l’épaule permettant de réduire une partie des douleurs et de retrouver parfois une épaule indolore et fonctionnelle. En cas de chirurgie programmée, la rééducation préparera l’épaule à l’intervention. Elle apprendra au patient les mouvements d’auto-rééducation qu’il devra faire après l’opération.
En cas d’échec du traitement médical ou en cas d’indication initiale de chirurgie, l’arthroscopie de l’épaule associera systématiquement des gestes “antalgiques” à la réparation de la coiffe des rotateurs.
Les gestes antalgiques possiblement associés sont :
- “bursectomie” et “débridement” : la chirurgie par arthroscopie permet l’exérèse de la bourse et des tissus inflammatoires adhérents aux tendons
- “acromioplastie”: le chirurgien réalise l’exérèse du bec osseux acromial à la fraise motorisée miniature (cf conflit sous-acromial)
- “ténotomie” ou“ténodèse” du tendon du long biceps : la chirurgie arthroscopique permet de sectionner ou modifier le site d’insertion du tendon du long biceps (cf pathologie du tendon du long biceps)
- « Résection acromio-claviculaire » : le chirurgien supprime le contact entre l’acromion et la clavicule (cf arthropathie acromio-claviculaire)
Lorsque la réparation des tendons de la coiffe des rotateurs est réalisable, le chirurgien les ré-insère sur l’humérus grâce à des ancres miniatures et des fils ou bandelettes de haute résistance. L’anatomie est restituée en re-plaquant les tendons sur l’humérus avivé afin de stimuler la cicatrisation des tendons sur l’os (cf vidéos « réparation du tendon supra-épineux » et « réparation du tendon du sous-scapulaire« ).
Réparation : mise en place des premières ancres avec fils et bandelettes – Dr Milin, Grenoble
Réparation : passage des fils et bandelettes dans les tendons à ré-insérer – Dr Milin, Grenoble
Coiffe des rotateurs ré-insérée : aspect final double rang – Dr Milin, Grenoble
Lorsque la réparation est impossible ou afin de « protéger » un tendon très fragile après sa réparation, le chirurgien peut interposer un petit ballonnet entre la coiffe des rotateurs et la face inférieure de l’acromion (cf vidéos « principe du spacer sous acromial » et « mise en place d’un spacer sous acromial« ). Ce ballonnet permet de maintenir un bon espace sous l’acromion. Il protège le tendon durant sa cicatrisation et empêche la tête de l’humérus de « monter » contre l’acromion. On parle de « spacer » sous acromial. Ce spacer est résorbable : il disparaitra progressivement. L’objectif est qu’il soit remplacé lors des semaines post-opératoires par du tissu de comblement jouant le même effet. Cet artifice est une solution « de sauvetage » lors de la prise en charge de rupture massive difficilement réparable ou irréparable de la coiffe des rotateurs du sujet jeune.
La chirurgie de la coiffe des rotateurs sous arthroscopie est réalisée sous anethésie générale et loco-régionale ou sous anesthésie loco-régionale pure. Elle peut être réalisée en ambulatoire, ou lors d’une hospitalisation de très courte durée.
Les résultats cliniques des réparations arthroscopiques de la coiffe des rotateurs sont jugés bons à excellents dans 90% des cas. On estime que la cicatrisation complète est obtenue dans environ 70% des cas mais dépend de nombreux facteurs. Le défaut de cicatrisation peut aller de la petite fissure persistante parfaitement asymptomatique à la re-rupture complète. La qualité de la cicatrisation est principalement liée à la qualité du tendon et aux facteurs de risques associés. En cas de tabagisme, il est vivement recommandé de procéder au sevrage tabagique afin de maximiser les chances de cicatrisation.
Plusieurs études retrouvent un résultat subjectif moindre lors des accidents de travail ou des maladies professionnelles après chirurgie de l’épaule.
Après l’intervention, une écharpe d’immobilisation est à porter environ trois semaines avec possibilité de la retirer dans la journée. L’auto-rééducation débute dès le lendemain de l’intervention, la kinésithérapie après 10 jours.
La rééducation de l’épaule chez le kinésithérapeute se prolongera 4 à 6 mois après la chirurgie. Elle est complétée par l’auto-rééducation à domicile qui doit être poursuivie de façon pluri-quotidienne. Des progrès sont possibles jusqu’à 9 mois à 1 an après la chirurgie. Il est cependant difficile de prédire exactement les délais de récupération post-opératoire. Chaque épaule réagit différemment. Certaines seront plus douloureuses ou plus raides et nécessiteront une période de récupération plus longue.
La chirurgie de réparation de la coiffe des rotateurs a pour but de redonner au patient une épaule indolore (ou moins douloureuse) et fonctionnelle pour la vie quotidienne. L’arrêt de travail est variable et va de quelques semaines à plusieurs mois. La reprise du travail dépendra de l’importance des lésions, du patient et de son type d’activité professionnelle… En cas de travail manuel exigeant ni le traitement médical, ni la chirurgie ne peuvent garantir une reprise de l’activité professionnelle au même poste de travail.
Ré-insertion du tendon Supra-épineux
Fils et bandelettes en double rang
Ré-insertion des tendons Supra-épineux et Infra-épineux (rupture en deux feuillets)
Fils et bandelettes en double rang
Ré-insertion de la partie haute du tendon du Sub-scapulaire
Principe du spacer sous-acromial ou « ballonnet »
Mise en place d’un spacer sous-acromial (« ballonnet »)